Extrait de "La corbeille de fruits"

samedi 10 juillet 2004.
 
La matinale mer du silence frémissait de chants d’oiseaux et les
fleurs étaient toutes joyeuses au bord de la route ; à travers l’écartement
des nuages, les rayons d’or éparpillaient leur opulence. Cependant, affairés,
nous poursuivions notre route et nous ne prêtions pas attention.
 
Nous ne chantions pas de chant d’allégresse et nous ne jouions pas ;
nous n’allions pas au village pour trafiquer ; nous n’échangions pas un mot
et pas un sourire : nous ne nous attardions pas en route. Nous hâtions le pas
de plus en plus, tandis que le temps nous pressait.
 
Le soleil atteignit le milieu du ciel et les ramiers roucoulèrent dans
l’ombre. Des feuilles sèches dansaient et tourbillonnaient dans l’air chaud
de midi. A l’ombre du banyan, l’enfant berger sommeillait et rêvait ; je me
couchai moi-même au bord de l’eau et étendis dans l’herbe mes membres
fatigués.
 
Mes compagnons rirent de moi : plein de mépris, ils redressèrent la tête
et se hâtèrent : ne se reposant jamais et ne regardant pas en arrière, ils
disparurent dans la lointaine brume d’azur. Ils coupaient à travers prés et
collines et traversèrent d’étranges contrées reculées. Tout l’honneur soit
pour vous ! héroïque escadron sur le sentier interminable ...
 
Piqué par la moquerie, je me relevai sous l’insulte mais je ne trouvai
rien à répondre. Et je m’abandonnai, perdu dans l’aise d’une profonde
humiliation-dans l’ombre d’un certain délice.
 
Le repos de l’obscurité verte ourlée du soleil se déployait
paresseusement sur mon coeur. J’oubliai pourquoi j’avais peiné, et sans lutte
je renonçai mon esprit dans les lacis d’ombre et de rêve.
 
Quand je rouvris les yeux enfin et m’éveillai de mon assoupissement, je
vis Toi dressé devant moi, inondant mon sommeil d’un sourire. Moi qui tant
avais craint que le sentier ne fût pénible ! et que pour t’atteindre il ne
fallut lutter durement.



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